Les jouets sonores aident à développer la créativité musicale. S’ils offrent moins de ressources que les instruments de musique, ils jouent cependant un rôle important à la fois dans le domaine du divertissement et de l’éducation. Non seulement ils sont utilisés par les enfants et les jeunes, mais aussi par les adultes, par exemple pour égayer les heures de travail.
Pendant l’enfance, nous acquérons des connaissances sur la création de ce type de jouets. Dans la culture populaire, ces instruments ont été créés en fonction de la période de l’année, avec les plantes ou les fruits de chaque saison. Il convient de tenir compte de l’influence de la Lune sur les plantes pour pouvoir les fabriquer correctement. La construction de ce type d’instruments est par conséquent une manière de comprendre le cycle annuel.
D’autre part, en jouant avec ces jouets une fois fabriqués, on travaille la psychomotricité de manière créative. Nous apprenons à coordonner les parties du corps tout en cultivant l’expression corporelle.
Dans de nombreux cas, les jouets sonores sont des variantes plus simples des instruments de musique et jouer avec eux nous prépare, sans nous en rendre compte, à jouer de la musique avec des instruments sonores plus sophistiqués.
Dans le groupe des aérophones, nous présentons ci-après les jouets du sous-groupe de la flûte. Bon nombre d’entre eux sont appelés txulubita, bien qu’il s’agisse d’instruments différents.
JOUETS SONORES DE LA FAMILLE DES FLÛTES DROITES À EMBOUCHURE
Ces flûtes simples sont désignées par le nom de txulubita et peuvent avoir différents aspects. Dans notre région, nous savons qu’elles étaient fabriquées avec des branches d’arbre ou en roseau.
Fabriquées avec des branches d’arbre
Dans nombre de pays, au printemps (époque de transpiration des arbres), on fabrique ce type de jouets pour enfants en utilisant des matériaux très divers, comme, entre autres, le frêne, le châtaignier, le peuplier, le noisetier, le saule, le noyer ou le figuier (Manterola, 1993, 687). Après avoir préparé l’embouchure, enlevé le bâton intérieur en utilisant la sève qui coule de la branche, l’écorce forme le tuyau de la flûte. Ensuite, on peut percer ou non des trous pour donner les notes. En revanche, si on utilise le bâton extrait pour le glisser de haut en bas dans l’orifice inférieur, on peut créer une flûte à piston ou à coulisse. Ces instruments se détériorent, si bien qu’ils ne sonnent plus au bout d’un certain temps après leur fabrication. De ce fait, il convient de les créer lorsqu’on veut les utiliser. Comme indiqué plus haut, le printemps est la meilleure saison pour les fabriquer et en jouer.
Txulubita fabriquée à partir d'une branche de frêne. Collection JMBA, nº 178. (Photo : O. Zapirain – Soinuenea)
Txulubita produite avec une branche de peuplier. Collection JMBA, nº 0037. (Photo : O. Zapirain – Soinuenea)
Dans le village navarrais d’Arano, dans la zone de Leitza, on fabriquait également ce type de txulubitas avec des branches de châtaignier pour l’usage des enfants1.
Txulubita faite d'une branche de châtaignier. Collection JMBA, nº 0511. (Photo : O. Zapirain – Soinuenea)
Un jeune jouant d’une txulubita fabriquée avec un bout de bois de châtaignier. (Photo : JMBA)
Txulubita à un trou fabriquée à partir d'une branche de frêne. Collection JMBA, nº 0770. (Photo : O. Zapirain - Soinuenea)
Un enfant jouant d’une txulubita à un trou, fabriquée en bois de frêne. (Photo : JMBA)
Txulubita à piston fabriqué à partir d'une branche de frêne. Collection JMBA, nº 0771. (Photo : O. Zapirain – Soinuenea)
Un jeune jouant d’une txulubita à piston fabriquée en bois de frêne. (Photo : JMBA)
ATELIER: TXULUBITAS FABRIQUÉES AVEC DES BRANCHES D'ARBRE
Fabriquées en roseau
Les txulubitas ou txilibitus (pipeaux) simples à trous ont été utilisés en maints endroits du Pays Basque. Les enfants les utilisaient à Lekeitio, par exemple, dans les années 20 (Bilboko Euskal Museoa, 1998, 107). Le Musée San Telmo de Saint-Sébastien (Guipúzcoa) possède deux txilibitus en roseau, ramenés d’Usurbil en 1918 (Beltran, 1997, 141-142).
Les deux txilibitus d’Usurbil conservés au Musée San Telmo. Réf. San Telmo: 34 et 35. (Photo : JMBA)
Ces jouets n’étaient pas toujours construits à la maison ; J. M. Beltran se souvient qu’au milieu du XXe siècle, les forains qui se rendaient aux fêtes des villages avaient l’habitude de vendre ce type d’instruments et d’autres encore.
Txulubita comme celles que les forains apportaient pour les enfants. Collection JMBA, nº 569. (Photo : O. Zapirain - Soinuenea)
Au début du XXe siècle à Oiartzun (Guipúzcoa), on faisait des txulubitas en roseau et bambou comme jouets pour enfants ; certaines étaient dépourvues de trous et d’autres en revanche en avaient deux, trois ou quatre. En fonction du nombre de trous, la txulubita se jouait avec une ou deux mains2.
Txulubitas fabriquées par Lino Zapirain, de la ferme Iriberri dans le quartier d’Ergoien, Oiartzun. Collection JMBA, nº 749-750-751-781-782. (Photo : O. Zapirain – Soinuenea)
Un enfant jouant d’une txulubita en roseau. Collection JMBA, nº 681. (Photo : JMBA)
JOUETS SONORES DE TYPE FLÛTES DE PAN
Comme nous l’expliqua Karlos Zabaltza, habitant du village navarrais de Burgui, lors de des entretiens accordés en 1988 et 1999, il avait connu la flûte de Pan en roseau dans son enfance. On l’appelait flûte et elle était très courante chez les enfants des villages du Roncal. Ces jouets n’avaient pas de nombre précis de tuyaux ; ils pouvaient en posséder quatre, cinq ou huit.
Un enfant jouant de la flûte à pain à la canne du Roncal. (Photo : JMBA)
Nous avons aussi trouvé des flûtes de Pan en plastique dans les magasins de jouets et sur les étals des vendeurs ambulants qui venaient aux fêtes des villages.
Collection JMBA, nº 1577. (Photo : O. Zapirain - Soinuenea)
JOUETS SONORES À SIFFLER
Il y a des personnes qui savent siffler en utilisant seulement la bouche ou en introduisant les doigts dans celle-ci de différentes manières.
Sur les sites archéologiques de Navarre, divers instruments utilisés pour siffler ont été mis au jour, par exemple quelques-uns fabriqués en os ou en jais3.
Grâce au travail sur le terrain, nous avons appris qu’au cours du XXe siècle dans la culture populaire, on fabriquait des jouets sonores en perçant les os de divers fruits : abricot, pêche, prune, amande verte... On a aussi utilisé comme instruments les carapaces d’escargots ou bigorneaux, ainsi que les capuchons des glands (Manterola, 1993, 694-695).
Un enfant jouant d’un bigorneau. (Photo : JMBA)
En Navarre, dans la Vallée de Larraun et à Sakana, les txulubitas fabriquées avec des os d’abricot ou des morceaux de fer-blanc (Beltran, 1996, 78) étaient courantes.
Une des supposées txulubitas mises au jour dans le dolmen d’Aizibita de Cirauqui (Navarre). (Photo : Museo de Navarra)
Un enfant jouant d’une txulubita fabriquée avec un os d’abricot. (Photo : JMBA)
ATELIER : TXULUBITAS EN OS D'ABRICOT
Jose Mari Lopez de Elorriaga nous expliqua que dans son enfance, à Agurain, il avait une méthode curieuse pour fabriquer ce type de txulubitas : il prenait l’os d’abricot entre les doigts et descendait dans la rue en le grattant contre les murs des maisons jusqu’à faire un trou. La pierre de taille, si commune dans les rues d’Agurain, était semble-t-il idéale pour user l’os d’abricot !
ATELIER: TXULUBITAS EN FER-BLANC
JOUETS SONORES DE TYPE OCARINAS
Faute d’un récipient approprié, on peut apprendre à former avec les mains une sorte d’ocarina. On peut même obtenir des mélodies, en changeant l’espace entre les mains.
La flûte d’eau appartient aussi à la famille des ocarinas. Elle épouse généralement la forme d’une petite amphore en terre cuite. Avec de l’eau dedans, on souffle par l’embouchure et elle produit un son similaire au gazouillement des oiseaux. En réalité, il ne s’agit pas seulement d’un jouet. Par exemple, dans les tournées de Noël des choristes de l’aurore de Tafalla (Navarre), il y a toujours un interprète de pajarico [flûte d’eau].
Ces txulubitas peuvent être entendus dans la piste intitulée Autres txulubitas.
Flûte d’eau acquise lors d’une foire d’artisanat de Burgos. Collection JMBA, nº 86. (Photo : O. Zapirain – Soinuenea)
Agustin Caballero, membre du groupe des choristes de l’aurore de Tafalla, jouant de la flûte d’eau (1999). (Photo : JMBA)
NOTES
1 Entretien réalisé par Juan Mari Beltran à Jose Mari Legarreta à Arano le 16 janvier 2000.
2 En 1999, Lino Zapirain, de la ferme Iriberri dans le quartier d’Ergoien à Oiartzun, nous fabriqua plusieurs txulubitas et txilibitus comme ceux qu’il avait connus dans son enfance. Ils se trouvent à l’exposition et au dépôt de Soinuenea : sans trous (nº 781), à deux trous (nº 751 et nº 782), à quatre trous (nº 749 et nº 750).
3 Gembero-Ustárroz, 2016, 15.
SOURCES
BIBLIOGRAPHIE
BELTRAN ARGIÑENA, J. M. (1978). Azal doiñuak: Sunpriñu eta Txulubite. Cuadernos de Etnología y Etnografía de Navarra. (29. zk. 349-362). Institución Principe de Viana.
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BELTRAN ARGIÑENA, J. M. (1998). San Telmo Museoko soinu eta hots tresnak. Lankidetzan bilduma. Eusko Ikaskuntza. [aurrekoaren berrargitalpena]
BELTRAN, J. M. (2002). Los juguetes sonoros. In Beltran, J. M., Díaz, J., Pelegrín, A., y Zamora, A. Folklore musical infantil (61-143). Akal.
BILBOKO EUSKAL MUSEOA. (1998). Haur-jolasak eta jostailuak / Juegos y Juguetes del Museo Vasco de Bilbao. Euskal Museoa Bilbao Museo Vasco-Bilbao Bizkaia Kutxa Fundazioa.
DONOSTIA, A. (1947). Instrumentos de Música Popular Española. Obras Completas del P. Donostia. (II. liburukia, 113-179). Ed. La Gran Enciclopedia Vasca.
DONOSTIA, A. (1952). Instrumentos Musicales Populares Vascos. Obras Completas del P. Donostia. (II. liburukia, 257-309).
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MANTEROLA, A. (Zuz.). (1993). Juegos infantiles en Vasconia. Etniker Euskalerria-Eusko Jaurlaritza.